octobre 2019
Deux semaines intenses à la galerie L’EXPO , semaines durant lesquelles des travaux différents ont été montrés, recherchés, développés et réalisés sous l’œil attentif et l’intérêt manifeste des habitants du quartier – certains deviennent des “fidèles” en attente de nouvelles découvertes – et des passants intéressés par les démarches proposées.
Le temps est désormais toujours rythmé de la même manière : vernissage le soir de la Nuit Blanche parisienne avec l’inscription de l’exposition des lauréats dans le “off” du programme attirant quelques curieux jusqu’à la galerie et finissage le dernier jour de la résidence avec la présentation de nouvelles œuvres issues de la réflexion, des rencontres et des marques du quartier.
FEUILLES EN TINE
” Les Feuilles en Tine sont des sculptures de papier qui reprennent le concept du théâtre d’ombres : chaque feuille, chaque calque, vient diluer la lumière, ajouter un nouveau décor ou personnage au tableau. Passionnée d’exploration d’anciennes carrières de pierres depuis 2012, et plus généralement du Paris «caché», j’ai rencontré sous Paris une faune artistique aussi attachante qu’éclectique dont Misti, artiste pastelliste et organisatrice de la 2ème édition de la Ktartiste*, à laquelle je participais. Comment se démarquer ? Quel médium utiliser pour produire à la fois un hommage à un lieu unique sans être noyée dans des disciplines que d’autres avaient déjà foulé avec un brio indiscutable ? Quelque temps avant, je tombais, au cours d’une errance sur Instagram, sur l’incroyable travail des indiens Hari & Deepti.
Un coût de départ relativement bas, une originalité certaine, le maniement des calques et du cadrage par mes expériences professionnelles en graphisme et photographie, tous les éléments étaient réunis pour que je puisse commencer. Après cette expérience d’autres inspirations et envies me sont venues. L’objet veilleuse s’offre aux rêveries et à l’imaginaire, rassure et s’ancre dans le quotidien.
Quant au nom, il vient d’un jeu de mot entre les feuilles de papier que je découpe et mon surnom, d’un clin d’œil à un abri de défense passive rue des Feuillantines à Paris. Enfin… sous Paris !
Prendre ses quartiers… La résidence : L’idée est d’offrir une véritable balade sous plusieurs niveaux de la ville, en dehors du temps. J’aimerais produire un tableau qui mettrait en lumière, au choix, les anciennes carrières à ciel ouvert de la porte de Vanves par exemple, la carrière du Port-Mahon et ses sculptures de Décure, la carrière des Capucins, sous l’Hôpital Cochin qui est restauré et entretenu par une association, et puis, vous raconter l’histoire de Philibert Aspairt, le portier du Val de Grâce, qui sous la Terreur, est parti chercher le trésor des Chartreux… […] “
LEA RIVERA HADJES
Léa RIVERA HADJES explore la captation de la lumière et ses corollaires, le mouvement et la temporalité. Actuellement, elle effectue des recherches sur la notion de : « migration pendulaire ». Cet incessant aller-retour entre notre domicile et notre lieu de travail que nous vivons quotidiennement, forcé, subi, mais qui peut être surprenant, fascinant. Les sensations lumineuses, sonores, de vitesses, de mouvements que l’on vit tous les jours, deviennent alors, matières, inspirations. Avec son téléphone portable elle capture ces moments d’attente, d’entre deux, d’oisiveté, de réflexion, d’absence. Des scénettes témoignant de la migration pendulaire, la sienne, la nôtre. Sur les quais de trains, à travers la fenêtre d’une voiture, d’un TER, d’un métro, dans l’espace urbain où elle se déplace, ces photographies et vidéos glanées deviennent matière première. Elle les utilise, les transforme, les manipule dans des séries d’impressions sur divers supports, gravures sur bois, pointe sèches, carborundums, alu graphies (offset), de dessins et pour des installations (vidéo, sonores, lumineuses).
Pour Léa RIVERA HADJES, l’utilisation des techniques d’impression est un moyen de s’exprimer en série mais toujours à travers des épreuves uniques. Chaque matrice sera encrée, retouchée, utilisée différemment à chaque impression. De plus, ces techniques engagent une gestuelle, presque une danse, d’incessants allers-retours, graver, étaler l’encre, appliquer l’encre sur le rouleau, rouler sur la plaque, faire tourner les rouages de la presse, et l’on recommence. En échos aux incessants trajets urbains que nous empruntons, elle emprunte la gestuelle de l’imprimeur et laisse des traces du processus dans l’œuvre. L’univers ferroviaire, la question de la migration pendulaire, du trajet, du transport sont actuellement des voies de recherches intarissables dans lesquels elle puise afin de réaliser des séries de photogrammes du quotidien.
À travers des jeux de superpositions, de répétitions, de déformations, de miroir et de reflets, Léa RIVERA HADJES nous montre l’espace comme photosensible.
La lumière jaillit sur les différents supports, envahit la rétine et se diffuse jusqu’à imprégner le cadre, les murs et l’espace environnant. Elle nous donne à voir l’insaisissable : la lumière, le temps et le mouvement.
A l’EXPO, l’artiste a développé le projet PRINTCAR : réaliser un grand bois gravé in situ, en s’inspirant des rues du quartier et de l’imprimer dans la rue avec sa voiture (en guise de presse).
AMANDINE VALLÉE
“[…]Je mets l’accent sur les mécaniques du corps, en perçant les particularités de nos gestuelles et en laissant transparaitre la douce mélancolie de chacun pour en transcender paradoxalement leur humanité. Toujours à contre-courant, à mon image, j’aime jouer avec les mouvements et les expressions de l’essence de l’être. J’ouvre mon travail sur des univers différents tels que le reportage et le portrait, avec toujours le même fil conducteur, l’humanité́. […]
Avec la série “Les anonymes de la route“, Amandine VALLÉE parle “de la « street photography » en voyage. […] À pied ou en voiture, autant de chemins et de routes où j’ai souhaité capturer le mélange entre l’humain et le paysage. Des anonymes qui deviennent les personnages principaux de ces photographies. J’ai sélectionné des scènes en Albanie, en Roumanie, en Grèce et en Géorgie. Ce que j’aime ? C’est raconter des histoires à travers les clichés. Et pour capter ces instants, je m’immerge dans la rue derrière des passants, je me cache dans ma voiture à travers le pare-brise, j’essaye d’être la plus discrète possible pour saisir des moments de vie au plus proche de la réalité. […]”
Pendant la résidence, Amandine VALLÉE a réalisé une série sur les commerçants dans leur boutique avec leur clientèle parce que “les commerçants ont un lien quotidien avec les habitants et les passants.”
BRIGITA ZRUSTOVA
“L’essentiel de mon travail repose sur l’interrogation donc une recherche sur la question quasi éternelle des 2 facettes de la vie humaine, la partie matérielle et la partie spirituelle. Le corps bouge donc vit et réagit toujours selon des environnements, des histoires voire des objets qui deviennent alors des éléments d’une histoire. C’est ce corps humain chargé de spirituel qui m’inspire. Il m’amène à utiliser dans mon travail de création des situations dans lesquelles des expressions artistiques diverses comme la musique, la danse, la vidéo… etc. viennent alimenter et rencontrer mes intentions dans des performances et installations par exemple. Dans ce cadre, actuellement, je mène un travail expérimental de recherche avec des musiciens. Nous essayons de mesurer comment les interactions entre nos différents moyens d’expression portent et développent nos créations réciproques tout en devenant collectives lors d’une performance.[…] Mon projet se construit sur cette dualité à la fois sous la forme d’une vidéo, d’une installation et d’une performance artistique accompagnée par de la musique vivante.
Je voudrais découvrir, trouver des signes de fusion, dans le quartier, entre les espaces et les différentes histoires. Puis je me propose de saisir des actes et des moments et les mettre en évidence en vidéo et partir à la recherche de matériaux, de petits morceaux oubliés dans ces lieux pour créer le début d’une installation et monter un petit mur des composants trouvés dans le quartier qui seraient initialement des choses inutiles, plutôt à jeter, hors d’usage pour les détourner de leurs fonctions premières, leur redonner vie : ils peuvent être des objets bizarres qu’on peut obtenir seulement là, dans cet arrondissement, et qui pourraient m’être donnés par les habitants.[…]”
photos © Philippe Van Es,© Feuilles en Tine